Je viens ce matin de surfer sur le Hub « Management des Valeurs » de Viadeo. Une discussion en cours se propose d’identifier les valeurs humaines de l’entreprise. Les apports des membres de ce Hub me laissent perplexe. Mais au fait, de quoi parle-t-on au juste, quand on parle de valeurs d’entreprise ? S’agit-il de valeurs humaines, de valeurs éthiques, de valeurs marketing, de valeurs identitaires? Quel est leur contenu, quelle est leur portée ? Font-elles sens et si oui ou non auprès de qui ? Et plus simplement, à quoi servent-elles ces valeurs d’entreprise ?
Le constat : les valeurs d’entreprise ont le vent en poupe
Quelle entreprise n’a pas encore recensée ses valeurs et les a communiquées avec force chartes et autres codes ? 95 % des entreprises américaines en ont. 62 % des cent premières entreprises française aussi.
Et ces valeurs sont généralement fièrement affichées par ces entreprises. On les retrouve, pêle-mêle, dans les intranets, sur les livrets d’accueil, sur des affiches, sur des panneaux dans les halls d’entrée, on en propose l’exégèse sur le journal d’entreprise, on les cite dans le rapport annuel, dans les plaquettes institutionnels et commerciales ; les sites Internet – le plus souvent les sites corporate – ne sont pas en reste. Bref, les valeurs ont droit à leur communication 360°. Plus cohérent que ça, relève de la gageure. Bravo ! Enfin ne nous emballons pas. Allons plus loin dans l’examen des valeurs si vous le voulez bien.
Pourquoi des valeurs ?
Parce que les entreprises sont de plus en plus confrontées à une dilution de leur identité, parce que les entreprises sont de plus en plus analysées, évaluées, critiquées.
Parce qu’elle créent du lien entre les collaborateurs de l’entreprise, entre les collaborateurs et l’entreprise, entre l’entreprise et ses filiales et autres Business unit, entre l’entreprise et ses parties prenantes (dont les collaborateurs) et au final entre les collaborateurs et les parties prenantes. Comme l’évoque Jean-François Claude dans son livre «Le management par les valeurs », les valeurs sont « le lien social légitime qui donne envie de travailler pour autre chose que soi-même ».
Que sont ces valeurs ?
L’agence Wellcom a proposé en 2004 un « Indicateur des valeurs d’entreprise ». Sur les 711 entreprises interrogées, 609 avaient des valeurs ; le nombre moyen de valeurs par entreprise était de 4.
Dans le top 10, on retrouvait :
1 : Innovation / progrès : 31.7 %
2 : Intégrité/Honnêteté/Transparence : 26.4 %
3 : Responsabilité : 26.4 %
4 : Esprit/travail d’équipe : 23.3 %
5 : Orientation/ Satisfaction clients : 23.0 %
6 : Humanisme : 14.3 %
7 : Rapidité/Réactivité : 14.0 %
8 : Environnement : 13.6 %
9 : Qualité / Fiabilité : 13.1 %
10 : Partage/Solidarité : 13.0 %
La redondance de ces valeurs ne vous aura pas échappée. Des entreprises concurrentes intervenants sur le même segment de marché peuvent légitimement se réclamer des mêmes valeurs. Formidable, quid de l’identité, quid de la différenciation ? Mais après tout, peut-il en être autrement ? Il ne s'agit pas ici de faire preuve de créativité mais de refléter une réalité. Après, tout est affaire de pertinence, de justesse, de légitimité. Mais c'est une autre histoire. Allons plus loin.
Comment les valeurs sont-elles perçues ?
Tantôt comme de l’affichage pur et simple, parce que les concurrents en ont, parce que c’est la mode, on s’en est doté aussi. Et puis, il est de bon ton de les connaître, on ne sait jamais, des fois que je sois interrogé par mon boss lors de l’entretien d’évaluation, lors d’un petit-déjeuner d’intégration.
Oh j’imagine qu’à ce stade de lecture de ce billet, certains froncent les sourcils. Le rédacteur (votre serviteur) force le trait ; cela frôle la caricature. Et bien non, j’assume, sans bien sûr généraliser.
Elles peuvent parfois être considérées comme fausses. Fausses parce que non partagées, parce que ni vérifiées, ni vécues. Parce que "je ne sais pas en tant que salarié comment les appliquer au quotidien "; parce que "je ne sais pas en tant que manager comment les expliquer "et, comme je ne les applique pas, je ne suis pas exemplaire et de ce fait pourrai-je blâmer mes collaborateurs si je repère qu’ils n’en sont pas de bons ambassadeurs ? Bien sûr que non !
Ah, cette fois, j’entends ceux qui vont dire « calomnie, ineptie pure et simple ». Non, là encore, j’assume et sans bien sûr généraliser. J’assume parce que je l’ai vu de mes yeux vus. Que dire quand les membres d’un CODIR mettent 1 minute pour restituer les 5 valeurs de leur entreprise ? Que dire quand ces mêmes managers sont censés évaluer dans l’entretien d’appréciation la bonne application de ces valeurs par leurs collaborateurs ? No comment.
Trop souvent, les valeurs sont perçues comme de généreux paravents, pour se donner bonne conscience, pour moraliser les rapports de l’entreprise avec ses parties prenantes.
Comment se doter de valeurs efficientes ?
Choisir des valeurs parce que c’est à la mode n’a aucun sens. Choisir des valeurs entre membres de la direction avec l’appui du DRH et du Dircom n’a pas plus de sens. Alors comment faire ?
Pour que les valeurs fassent sens et trouvent une résonance réelle auprès des collaborateurs, il convient de les associer à la démarche d’identification.
Pour que les valeurs soient appliquées, il faut qu’au-delà des mots, des principes d’actions soient engagés, avec un rôle majeur pour les managers dans leur diffusion, dans leur application ; les managers doivent être exemplaires. Cela veut dire que la simple information ne suffit pas ; j’en reviens au référentiel de management, j’en reviens aux formations, j'en reviens à la communicaction. Parce que c’est à l’aune de l’application au quotidien et par l’ensemble des salariés que la réputation d’une entreprise se construit. J’en reviens une fois de plus à la nécessaire cohérence entre le discours et les actes.
Les valeurs traduisent à la fois ce qu’est l’entreprise et ce qu’elle veut être (identité). Les valeurs sont le socle de ce que l’entreprise apporte à ses clients et la façon dont elle l’apporte (relationnel). Leur application permet de faire aimer l’entreprise pour ce qu’elle est, ce qu’elle fait et par qui elle le fait et à termes, elle permet de transformer les parties prenantes en prescripteurs.
Capitaliser sur les valeurs, une véritable opportunité de croissance
Certains confrères opposent aux valeurs que trop souvent elles sont assimilées à un message de nature publicitaire quand elles ne se confondent pas avec. Je partage leur point de vue s’il s’agit de fausses valeurs, de valeurs prétextes, de valeurs imaginées dans un bureau de direction.
En revanche, quoi de plus cohérent, quoi de plus pertinent que d’arriver à une signature corporate qui engage toute l’entreprise vis-à-vis de ses parties prenantes parce qu’elle traduit la mission de l’entreprise et son ambition avec la garantie de bonne fin que constitue l’application des valeurs ?
Une signature porteuse du projet de l’entreprise, qui induise l’objectivité, le sens apporté à la stratégie de l’entreprise, qui tire l’entreprise vers le haut sans surpromesse, qui mobilise l’énergie et fédère l’ensemble des collaborateurs. Parce qu’exposer sa signature corporate n’a de sens que si le comportement de chacun en soit l’indispensable corollaire.
Les valeurs sont un outil de cohérence de la communication de l’entreprise et un puissant levier de management
Bonjour,
Il ya beaucoup à dire sur ces valeurs. Dans une dernière étude sur le stress que j’ai mené pour un groupe immobilier, les résultats montrent avant tout un problème de stress lié au manque de respect des valeurs humaines fondamentales : respect de l’autre, reconnaissance… de ce qu’il fait, de ce qu’il est, liberté d’expression de soi, soutien social des pairs et des managers.
Je lisais dernièrement un texte dont l’idée m’allait bien. La substance en était :
« tant que la croyance en la potentialité d’un monde après la mort était forte, ces valeurs étaient sauvegardées… au moins par l’envie (la peur ?) de se préparer une vie meilleure… que cela soit au paradis ou au nirvana. Mais aujourd’hui que la science a convaincu nombre de personnes et tout au moins a teint é fortement la croyance collective et sociale en la réalité d’une seule vie… le seul message que cette science a provoqué est « profite au maximum, de toute façon il n’y a rien après. Pense à toi, enrichis-toi au maximum et profite de tout ce que tu peux puisqu’après il n’y aura plus rien ! ».
C’est là, que pour moi les valeurs interviennent, c’est là qu’une dimension spirituelle est à reconquérir… c’est là que l’esprit chevaleresque (il faudrait prendre du temps à le définir correctement) peut redonner un sens à la vie pour, mais aussi au-delà, de notre propre existence.
Délaisser la vision du travail comme un simple moyen de gagner de l'argent mais au contraire le reconquérir comme un lieu sacré d'épanouissement, de mise en oeuvre de soi et de sa place dans le monde pour son bien-être et celui des autres.
Il neige c’est superbe.
Tiens un poème issu du courant chinois « du vin et de la lune »
Ivre je n’ai pas vu le soir venir,
Assis, les pétales sont tombés sur ma robe,
Je me lève et marche avec la lune de la rivière.
Les oiseaux sont rentrés, les hommes aussi se font rares.
Li Po
A+
Dominique
Rédigé par : Dominique Steiler | 21 mars 2008 à 15:09