« Assez de compétitions ! » tel est le titre de l’excellente tribune de Laurent Sacchi, directeur général communication et porte-parole du groupe Danone, publiée dans Stratégies n°1512 du 11 septembre dernier.Si le sujet n’est pas nouveau, il est beaucoup plus rare que des dircoms et non des moindres l’abordent sous cet angle.
Que nous dit Laurent Sacchi ?
Que les appels d’offres "bien conduits" (tiens il évoque dans son article des appels d'offres bidons), compétitions et consultations de tout poil coûtent de l’argent aux agences. Argent qu’elles font payer en retour à leurs clients par la cherté de leurs prestations. Ce qui n’est pas dit dans l’article, c’est que les compétitions rémunérées, hormis celles qui concernent les grandes campagnes, sont une espèce en voie d’extinction. Au passage, ne serait-il pas temps de déclarer la compétition rémunérée "espèce protégée" et de s'engager dans la création d’un comité de sauvegarde de la compétition rémunérée pour les agences.
Ces compétitions à répétition détruisent de la valeur intellectuelle.
Voilà une belle pierre dans le jardin de ceux qui estiment que rien de tel qu’une bonne compétition pour stimuler la créativité des compétiteurs.
Pourquoi ? Par méconnaissance du client, de son secteur d’activités. Je ne peux qu’abonder.
En début de semaine, j’ai accompagné lors d’une présentation une agence qui m’avait demandé de travailler avec elle sur une compétition. La mise en compétition dans ce cas de figure ne me choque pas outre mesure, puisqu’il s’agit d’une opération annuelle. L’agence avec laquelle je concourrais, était l’agence sortante, ayant par ailleurs l’habitude de travailler avec ce client sur d’autres opérations. J’ai été bluffé par la connaissance de la culture du client de mon partenaire, de son histoire, des attentes et des besoins des collaborateurs des différentes filiales. Toutes ces informations ont constitué la base de la valeur ajoutée de notre projet. Au final, si cette agence avait eu un contrat signé dans la durée, elle n’aurait certainement pas perdu en créativité, elle m’aurait sollicité de la même manière pour apporter une nouvelle pierre à l’édifice. Bonne nouvelle, nous avons gagné !
Dans cette veine, Laurent Sacchi estime dans son billet que "l’abus de compétition détruit de la valeur humaine", puisqu’elle refuse à priori la confiance et les bénéfices qu’elle procure. Il pointe du doigt également le fait que la compétition à répétition fait des collaborateurs d’une direction de la communication davantage des censeurs que des sélectionneurs et des stimulateurs. Et il égratigne ceux qui sont les tenants du « ma communication va mal, hop, une bonne compet et ça repart ». Et de conclure que s’il est évident que toute entreprise doit stimuler la créativité de son prestataire et bien évidemment, veiller à contrôler ses coûts et ses process, cela ne s’appelle pas autrement que savoir le manager. Enfin il termine son propos par encourager les entreprises à continuer à faire des appels d’offres mais en les limitant au strict nécessaire.
Au passage, j’apprécierais qu’un dircom du public se prononce sur les appels d’offres. Quid des « marchés –cadre » ou des « marchés boîte à outils » qui privilégient les grandes agences qui sont les seules à pouvoir répondre sur la globalité du marché ? Les indépendants pour faire face ne peuvent que se présenter en groupement pour espérer l’emporter ; mais ces groupements sont bien fragiles, faute d’une maîtrise d’œuvre suffisamment organisée et pilotée.
Enfin, que dire de l’impact des directions achats dans les grandes entreprises ? Je connais bien le sujet, pour avoir accompagné plusieurs entreprises sur la mise en place de leur politique achats. Oui je sais, certains vont penser que j’ai de ce fait, largement contribué à scier la branche sur laquelle j’étais assise, mais j’assume, il s’agissait de problématiques de communication interne et managériales passionnantes. Aujourd’hui, les compétitions engageants des budgets jugés importants (donnée éminemment subjective vous en conviendrez) interdisent aux petites agences de pouvoir s’aligner, quand bien même elles présenteraient toutes les garanties intellectuelles et créatives, il leur manque la respectabilité et le confort (bien plus que la sécurité) que procure leur solvabilité bancaire.
En conclusion, je ne peux qu’abonder dans le sens de Laurent Sacchi. Je ne saurais trop conseiller aux dirigeants d’entreprises et aux directeurs de la communication d’inscrire dans la durée leurs relations avec leurs agences, dans un pur esprit partenarial. C’est un gage de performance assurément bilatérale, une vraie démarche gagnant-gagnant.
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